Quand "la fuite des cerveaux" dissimule la casse de la recherche ...
La ministre de l’enseignement supérieur a annoncé le 16 octobre vouloir
travailler à des modalités permettant de contrer une supposée « fuite
des cerveaux ». Pour cela, elle dit notamment souhaiter mettre en place
un système de chaires primées pour 130 jeunes enseignant-e-s
chercheurs/euses (de 6000 à 15.000 euros par an), ou encore encourager
des retours vers le territoire français en proposant « à une quinzaine
de lauréats » des financements allant jusqu’à 700.000 euros sur trois
ans. Avant même de vouloir annoncer des
mesures sur cette « fuite », dont la réalité est souvent largement
fantasmée, il aurait été judicieux que le ministère soit en mesure de
faire un constat objectif de la réalité de ce problème parmi les
doctorant-e-s et/ou post-doctorant-e-s entre autres. Ainsi, les raisons sont généralement
scientifiques plus que financières : à l’heure actuelle, dans les
universités françaises, il n’est pas rare de voir des chercheurs/euses
contraints de solliciter des financements étrangers pour pouvoir
travailler non pas forcément dans des pays étrangers, mais sur des
thématiques concernant des pays étrangers. Le fait que, par exemple,
les Etats-Unis financent un-e chercheur/euse français-e pour mener des
recherches sur une thématique précise à l’extérieure de leur propre
territoire est un cas de figure envisageable, et ce afin d’encourager
la collaboration scientifique au sein d’équipes de recherches
internationales. Or, ces orientations semblent aujourd’hui impensables
en France, ce qui n’est pas sans conséquence sur un attrait de
l’étranger auprès des post-doctorant-e-s... Au-delà de la non-identification des
causes réelles par le ministère, il est nécessaire d’insister sur le
fait que les mesures proposées sont abhérantes au vue de la situation
actuelle de l’enseignement supérieur. A l’heure où l’on supprime 900
postes dans les universités, du jamais vu, la ministre voudrait mettre
en oeuvre des sommes considérables pour « distinguer » quelques
individualités ! Récompenser et choyer quelques
individus « vedettes » au détriment de travaux collectifs émanant de la
communauté scientifique, voilà pourtant qui ne nous étonne guère,
puisqu’il s’agit de fait de la logique que la LRU et les récentes
réformes des instituts de recherche entendaient graver dans le marbre.
La collaboration entre les chercheurs/euses et entre les disciplines ne
constitue plus une priorité, la question essentielle devient la
« rentabilité » du/de la chercheur/euse : publiométrie, récompenses
internationales, etc. Pour Sud étudiant, il est donc bien
évident que les mesures individualisantes annoncées par la ministre ne
correspondent en aucun cas à une nécessaire revalorisation du travail
des chercheurs/euses et notamment des doctorant-e-s : la réponse
financière mise en avant tend à dissimuler les réels problèmes de fond,
qui se situent notamment dans les orientations prises en matière de
politique de recherche ces dernières années et ces derniers mois.